"L'Autre fille" de Annie Ernaux, chez Nil, coll. "Les Affranchis", 2011
Je n'irai pas par quatre chemins : ce petit récit est un formidable coup de coeur pour moi qui d'ores et déjà me donne envie de relire "La Place", "La Honte" et de découvrir ses autres textes que je ne connais pas. Quel écrivain ! Certes, ce n'est pas un scoop mais vraiment, ça fait du bien de le dire et surtout, de le lire !
Le principe de la collection est de proposer à l'auteur d'écrire la lettre qu'il n'a en réalité jamais pu écrire, sur le modèle de la célèbre "Lettre au père" de Kafka.
Pour Annie Ernaux, sa lettre va s'adresser, malgré la difficulté de dire "tu", à sa soeur morte avant sa naissance. Ce lourd secret familial est bien gardé jusqu'au jour où la mère de l'auteur se laisse aller à quelques confidences auprès d'une jeune femme capable de compassion envers sa souffrance. La jeune Annie écoute cette conversation et entend sa mère dire "(...) elle était plus gentille que celle-là."
Ce "plus gentille" va être une source intarissable de questionnement pour l'auteur qui va finalement aboutir au constat implacable de la nécessité de la mort de l'une pour que l'autre naisse, donc vive. Mais auparavant, la position de l'enfant unique, choyée, que croyait tenir la jeune Annie bien vivante, au caractère bien trempé va s'effondrer au profit d'une souffrance et d'un silence lourd de culpabilité.
"Je n'avais pas envie qu'ils me parlent de toi. J'espérais peut-être qu'à la faveur de ce silence ils finiraient par t'oublier. Je vois la vérification de cette hypothèse dans le souvenir d'un trouble profond et inexplicable ressenti à chaque fois que, adulte, il m'a fallu admettre cette évidence : tu étais indestructible en eux." (p.49)
A découvrir et à recommander absolument !