"A l'enfant que je n'aurai pas" de Linda Lê chez Nil, coll."Les Affranchis", 2011
Je continue de trouver cette collection fort intéressante tant par sa ligne directrice (l'auteur s'engage à écrire la lettre qu'il ne pourra jamais envoyer) que par l'intensité des textes produits.
Linda Lê s'adresse à l'enfant que, désormais, elle n'aura plus. Car, si longtemps elle a été convaincue de cette impossibilité, avoir un enfant, il lui est arrivé d'en douter, un peu seulement, à cause de l'homme aimé. Mais les angoisses face au monde à donner en héritage et à soi-même sont plus tenaces.
L'enfance de l'auteur semble avoir été déterminante dans ce choix de refus d'enfant. Soumise à la tyrannie d'une mère cruelle, c'est peut-être très tôt que s'est dessinée chez l'auteur cette renonciation.
"Aller en classe, c'était lui échapper pour quelques heures, fouiner dans les bibliothèques, c'était amasser des trésors et y puiser, pas seulement afin de me doter d'une teinture de culture : forte de ces richesses, je me fabriquais une personnalité, je me blindais contre les méchancetés de celle qui, en tous lieux, se plaisait à nous diminuer, mes soeurs et moi. Elle était la reine, l'héritière d'une famille de notabilités, qui s'était mésaliée. Nous étions les rejetons d'un déraciné, sans patrimoine, sans situation, sans relation." (p.20)
"Qu'ai-je à transmettre, si ce n'est mon impuissance à être dans la norme, mes perplexités devant ce qui ravit mes pareils, car pour peu que l'on ne se monte pas la tête, tout est risible ? Big Mother a détruit le peu d'assurance que j'avais. En tous points je me suis efforcée d'agir à l'encontre de ses codes de conduite, et je me suis écartée de la voie commune, me confinant dans les marges [...]. (p.26)
A découvrir.